William Frederick Cody dit Buffalo Bill (né le 26 février 1846 à Le Claire dans le territoire de l'Iowa - mort le 10 janvier 1917 à Denver dans le Colorado) est une figure mythique de la Conquête de l'Ouest. Il fut notamment chasseur de bisons et dirigea la troupe Wild west show.
C’est en 1882, qu’il crée un spectacle de cirque sous le nom de « Buffalo Bill's Wild West Show » qui se produit dans tous les Etats-Unis avec un immense succès. En 1887, le Wild West Show traverse l’Atlantique une première fois pour se produire à Londres pour le jubilé de la
La troupe, composée de 200 personnes dont 97 Indiens, est accompagnée de 18 bisons, 180 chevaux, 4 ânes, 2 daims, 5 taurillons sauvages et 10 élans. La tournée européenne est précédée d'une campagne publicitaire jamais vue. Londres est couverte d'affiches montrant Buffalo Bill. Des tribunes de 30 000 places ont été dressées à Kensington. La reine Victoria assiste au spectacle, se fait présenter la troupe et commande deux représentations spéciales au château de Windsor.Après un bref retour aux États-Unis, la troupe repart en 1889 pour une tournée de quatre ans en Europe. Après s'être embarqué le 12 avril à New York sur le
Le spectacle a lieu au Champ de Mars. L’immense chapiteau (125 m de long sur 40 de large), est installé entre la Tour Eiffel et le pavillon des Machines et attira trois millions de spectateurs.
La première du Buffalo Bill's Wild West Show a lieu le 18 mai 1889 en présence de Sadi Carnot, Président de la République, des membres du Gouvernement, de la Reine Isabelle d'Espagne, de deux Ministres Américains, de plusieurs officiers de l'U.S. Navy.
Article du Journal des Voyages - Source : http://oldwestamericana.over-blog.com
Les indiens à Paris.
Au moment où les Indiens (Peaux-Rouges) sont refoulés par les Etats-Unis dans leurs « réserves », et où cette race, dont les trois quarts ont disparu depuis la conquête, se voit dans l'alternative ou de ce civiliser ou de disparaître, il est pour le moins curieux et intéressant de voir séjourner en Europe une grande caravane de ces « habitants des prairies » frères des Pieds-Noirs, des Coeurs-d'Alênes, des Nez-Percés, des Vilaines-Faces et des Serpents, que les romans de Fenimore Cooper ont rendus si populaires au commencement de ce siècle.
Le campement de Buffalo Bill est hérissé de tentes pointues et bariolées, dressées en cercle sur un énorme plateau où elles forment un vrai village. Accroupis devant les portes, quelques groupes d'Indiens, le visage et les mains peinturlurés d'ocre rouge relevé d'ornements multicolores, et la tête couronnée de plumes et d'attributs sauvages plantés dans une chevelure noire, huileuse et tressée sont gravement occupés à ne rien faire.
Leur costume ne manque pas d'étrangeté. Il se compose d'une chemise en laine bleue bordée de jaune, et d'une grande pièce de même étoffe, sans forme, dans laquelle ils se drapent volontiers. leurs jambes nues sont enveloppées dans des jambières, retenues à la taille par des courroies latérales et par une ceinture.
C'est une troupe de deux cents personnes qui, dans un cirque gigantesque, fait assister 20 000 spectateurs aux danses les plus bizarres, aux luttes guerrières, à une chasse aux chevaux sauvages pris au lasso et sellés de force, et à une poursuite de bisons ou buffles très émouvante et mouvementée.
Une musique composée uniquement de tambours au son aigre et voilé à la fois, accompagne les fantasias des cow-boys, les charges des cavaliers et les danses militaires. La lutte corps à corps des indiens avec les jeunes chevaux indomptés est d'un intérêt saisissant.
C'est merveille de voir passer, comme en une chasse infernale, ces modernes centaures, superbes, racés, aux larges épaules et à la longue chevelure. Indiens aux coiffures bizarres, cowboys accrochés à leurs mustangs;
(Chemise Rouge) le grand chef des indiens, Miss
la fameuse reine du rifle, qui sur un cheval au galop de charge, se fait un jeu de briser à balle autant de boules de verre qu'on lui en lance....
--------- Le journal des Voyages N° 623 du 16 Juin 1889. Collection Paul A. Pittet. ---------
Après cette saison parisienne le show prend la route de la Méditerranée et se produit dans les principales villes de son itinéraire. C'est ainsi que les habitants de Macon, Lyon, Saint-Etienne, Valence, Arles... peuvent assister au spectacle. A Marseille, après les dernières représentations données en France, la troupe continue son Tour d'Europe et s'embarque pour l'Espagne.
Arrivé en Espagne, Cody plante ses chapiteaux dans les faubourgs de Barcelone et donne son premier spectacle, le 21 décembre 1889. Après un séjour assez difficile la troupe quitte précipitamment l'Espagne et annule sa tournée dans ce pays et s'embarque pour l'Italie. Le premier spectacle aura lieu à Naples le 26 janvier 1890. Par la suite la troupe se produira le 20 février à Rome où la troupe qui stationne au Colisée sera reçue par le Pape Léon XIII.
Traduction d'un article paru dans le New-York Herald Tribune du 4 mars 1890 et consacré à cet événement - Source : http://oldwestamericana.over-blog.com
Le Wild West Show au Vatican.
Les indiens et cow-boys de Buffalo Bill à l'anniversaire de Léon XIII.
L'un des spectacles les plus étranges que l'on ait jamais pu contempler dans les murs austères du Vatican, a été l'entrée sensationnelle que fît ce matin Buffalo Bill à la tête des ses indiens et cow-boys, au moment où la cour éclésiastique et militaire du Saint Siège s'était réunie pour assister au Te Deum annuel de
Dans ce cadre splendide, aux fresques immortalisées par Michel-Ange et Raphël et au milieu de la plus ancienne aristocratie romaine, apparut soudain une bande de sauvages bariolés de peintures, couverts de plumes et d'armes, de tomahawks et de couteaux.
Une foule énorme s'était réunie de bonne heure sur la grande place devant Saint Pierre, pour assister à l'arrivée des Américains. Dès 9h30, le palais Ducal, le palais Royal et la chapelle Sixtine du Vatican étaient prisent d'assaut par ceux qui avaient réussi à y pénétrer. Le passage était maintenu de chaque côté par les gardes Suisses aux brillants uniformes, les gendarmes papaux et les camerlingues; les rayons d'un soleil radieux se reflétaient en mille étincelles sur les aciers brillants, les plumes multicolores, les chaînes d'or, les robes de soie aux tons veloutés, enfin sur tous les éclatants emblèmes du pouvoir et de la gloire pontificale.
Le Wild West fait son entrée.
Soudain une belle et chevaleresque figure apparut. Tous les regards se tournèrent vers elle. C'était le colonel W.F Cody « Buffalo Bill ». Il salua les camerlingues d'un large geste et s'avança entre la rangée des gardes.
Rocky Bear roulant ses yeux dans ses orbites, les mains croisées sur la poitrine s'avança sur la pointe des pieds dans cette mer de couleurs. Ses braves lançaient des regards furtifs sur les hallebardes des Suisses, et sur leurs sabres à deux poignées.
Les indiens et les cow-boys furent placés dans le côté sud du hall ducal et le colonel Cody, conduit à la chapelle Sixtine par des camerlingues. Il fût reçu par Miss Sherman, la fille du général Sherman. Une princesse l'invita ensuite à prendre place dans la tribune de la noblesse romaine.
La bénédiction Papale.
Lorsque le Pape apparut dans la Sedia Gestatoria portée par ses gardes, précédé des Chevaliers de Malte, des cardinaux et archevêques, les cow-boys s'inclinèrent ainsi que les indiens. Rocky Bear s'agenouilla et fit le signe de la croix. Le Pontife se pencha affectueusement vers ces hommes à l'allure rude et sauvage, et les bénit en paraissant touché de leur attitude.
Lorsque le cortège continua sa route, les indiens étaient exaltés et la femme d'un des leurs perdit connaissance. On les avait prévenus qu'ils ne devraient proférer aucun son et ce fut avec peine qu'on les empêcha de lancer leurs cris.
Le Pape regarda Cody avec curiosité lorsqu'il passa devant lui, et le grand éclaireur s'inclina profondément en recevant la bénédiction papale.
Après la messe, accompagnée de chœurs, au cours de laquelle la voix sonore de Léon XIII retentit plusieurs fois à travers la chapelle, le nombreux auditoire quitta le Vatican.
------------------------ New-York Herald Tribune du 4 mars 1890 ------------------------
Après Florence, Bologne, Turin,
où le spectacle est donné dans un amphithéatre construit en 290, sous le règne de l'Empereur Diocletien, Padoue, Cody et les siens arrivent àA partir de 1890 la troupe séjourne en Allemagne où la tournée du Wild west show débute à Munich. Dans cette ville la troupe se produisit pendant 18 jours à guichet fermé. Le Prince Ludwig de Bavière et sa Cour étaient les invités d'honneur lors de la journée d'ouverture. Des milliers de spectateurs résidant hors de la ville avaient commandé leurs billets par télégraphe. Par la suite la troupe s’est produite à Vienne, Leoben, Dresde, Leipzig, Magdebourg, Hanovre, Brunswick, Berlin, Hambourg, Brême, Cologne, Düsseldorf, Francfort, , Stuttgart ... et Strasbourg.
Cest en 1891 que le célèbre Wild West Show fait étape en Alsace alors sous domination Allemande. C'est cette fabuleuse histoire que nous raconte M. Georges FOESSEL dans le numéro 115 des saisons d'Alsace (Editions La Nuée Bleue) consacré à « Nos cousin d'Amérique » paru au printemps 1992.
L’année 1891 fut pour l’Alsace une époque particulièrement riche en faits historiques de tous genres. Survinrent en effet, durant ces douze mois, le décès de l’illustre théologien protestant
, le 15 avril, la naissance du futur grand chef d’orchestre , le 23 décembre, la venue au trône épiscopal de Strasbourg d’un nouvel évêque qui se révéla homme de grande qualité : Mgr , ordonné évêque le 21 juillet et enfin, et peut-être surtout, à compter du 1er janvier de cette même année 1891, l’institution de la caisse d’assurance vieillesse, fleuron du droit local alsacien-lorrain.Mais l’événement qui, sur le moment, impressionna le plus le public strasbourgeois et déchaîna son enthousiasme fut la venue à Strasbourg d’une troupe dont la renommée avait passé les mers et les monts et qui apportait à la vieille Europe le parfum de l’aventure. Celle-ci en effet, pour des générations successives de jeunes Européens, représentera la marche vers l’Ouest des pionniers américains et, avant d’être immortalisée par le cinéma et les stars hollywoodiennes, prendra le visage inoubliable des héros de Karl May et Mayne Reid. Mais elle s’illustrera surtout dans la haute figure du colonel William Cody, connu dans le monde entier sous le nom prestigieux de Buffalo Bill et dont les multiples aventures au service du Pony Express étaient déjà entrées, non seulement dans l’histoire mais même dans la légende. Or la Wild West Company, fondée et dirigée par ses soins, prit, en avril 1891, ses quartiers dans la capitale du Reichsland.
Fatigué de ses courses sans fin mais conscient du capital d’enthousiasme populaire qu’il représentait, le colonel avait décidé d’apprendre au Vieux Monde ce qu’avait vraiment été l’épopée dont il était une des plus prestigieuses figures. Et c’est ainsi que la Wild West Company, par ses fascinants spectacles d’attaques de diligences ou de convois d’émigrants, par des Indiens en costumes de guerre, des exercices équestres ou de tir, plus extraordinaires les uns que les autres, faisait la joie de tous les publics devant lesquels elle se présentait. L’année précédente déjà, Buffalo Bill, ses indiens et ses cow-boys avaient successivement ravi les habitants de New York, Londres, Paris, Vienne, Rome, Berlin et plusieurs autres grandes villes d’Europe, avant de séjourner à Strasbourg, du 21 au 27 octobre 1890, où les représentations de la troupe avaient connu le même triomphe que dans le reste de l’Europe.
Prévoyant de revenir en Europe l’année suivante, la direction de la troupe avait d’ailleurs décidé de laisser la ménagerie en Alsace durant l’hiver. C’est pourquoi les chevaux, au nombre de cent cinquante environ, et vingt bisons d’Amérique, avaient été conduits à Ehl, près de Benfeld, où ils furent installés dans une ancienne fabrique de chicorée dont le rez-de-chaussée avait été transformé en écuries à leur intention, ainsi qu’en locaux d’habitation pour la vingtaine de cow-boys qui les accompagnèrent durant leur séjour alsacien.
20 BISONS,
150 CHEVAUX
ET DEUX DIZAINES
DE COW-BOYS
S'INSTALLENT
PRÈS DE BENFELD.
Le Journal d’Alsace déclarait d’ailleurs à leur sujet : « On n’avait eu qu’à se louer à tous égards des bons rapports que la troupe avait entretenus avec les habitants du pays. Les contrats, conclus sur des bases très larges, n’avaient donné lieu à aucune difficulté et avaient été scrupuleusement tenus. La conduite des personnes faisant partie de la troupe du Wild West avait été exemplaire. Il n’y avait eu aucune plainte d’aucune espèce. » (1) Or pour sa seconde tournée, le colonel Cody bénéficia des événements historiques qui s’étaient déroulés aux Etats-Unis durant son premier séjour en Europe. En effet, avait alors eu lieu dans les réserves indiennes la dernière grande insurrection de l’histoire de l’Ouest qui mit les Indiens Sioux sous la conduite des Chefs
et autres aux prises avec l’armée de l’Union. L’issue de la guerre ne faisait à l’époque plus aucun doute et, pour empêcher un déroulement trop sanglant des opérations, Cody avait accepté du commandant en chef la périlleuse mission de gagner le camp de Sitting Bull afin de le persuader de se rendre. Le projet devint sans objet à la suite de la mort de Sitting Bull et de quelques autres chefs au cours des combats.Cependant Buffalo Bill avait réussi à convaincre le gouvernement américain que le meilleur moyen de rendre inoffensifs les chefs de la révolte était de les éloigner du territoire même de l’Union, tout en les utilisant au fond pour la publicité des États-Unis dans le Vieux Monde. Naquit alors l’idée d’autoriser le colonel à partir pour l’Europe avec une troupe beaucoup plus considérable que la première fois et à se faire accompagner dans sa seconde tournée par les chefs
et vingt autres, pris parmi les soixante qui étaient retenus comme otages militaires auLe chroniqueur du Courrier du Bas-Rhin ne manquait pas de conclure à juste titre à ce propos : « La présence de ces chefs qui ont pris part à la dernière guerre, donne aux représentations actuelles de la troupe de Buffalo-Bill une saveur particulière. Elle en rehausse l’intérêt ethnographique et historique. Tout est vrai, rien n’est factice dans ces représentations. C’est le Far-West, tel qu’il existe, mis à la portée de tout le monde. Rien de semblable n’avait été entrepris jusqu’ici et aucun autre spectacle ne vaut, au point de vue pittoresque et scientifique, celui que nous offre la troupe de Buffalo-Bill ». (1)
C’était heureusement augurer du succès immédiat que la Wild West Company trouva pour la seconde fois auprès du public strasbourgeois, lorsque Indiens, cow-boys, chevaux et bisons, retrouvèrent, le 16 avril 1891, leur campement de la place Lenôtre où ils avaient déjà été installés l’année précédente.
Le colonel Cody qui résidait, avec l’administrateur de la compagnie, à l’hôtel d’Angleterre, ne pouvait cependant se payer le luxe d’oublier, fût-ce un seul instant, les difficultés et surprises inhérentes à un spectacle de l’importance de celui qu’il dirigeait et qui comportait des centaines de personnages et d’animaux plus fantasques et sauvages les uns que les autres.
Dès leur installation d’ailleurs, le Journal d’Alsace du 18 avril rapportait les faits suivants : « Les Peaux-Rouges, fatigués par la longueur du trajet qu’ils venaient de faire en chemin de fer, se sont montrés fort mécontents, mais après avoir fait honneur à l’excellent déjeuner qui leur a été servi, ils ont changé de sentiments ; ils ont tenu un long conciliabule et ont finalement prévenu l’interprète qui les accompagne qu’ils désiraient témoigner leur satisfaction au colonel Cody. Celui-ci, accompagné de quelques invités, s’est rendu au campement des Indiens. Ceux-ci sont immédiatement sortis de leurs tentes, en costume de guerre, c’est- à-dire presque complètement nus, le corps recouvert de peintures multicolores, la tête, les épaules, le dos, ornés de plumes, d’amulettes et chaussés de mocassins et de jambières pourvues de nombreux grelots.»
« Les Peaux-Rouges se sont assis en demi-cercle sur le sol, ensuite l’un des chefs s’est mis à danser devant ses compagnons, leur a raconté ses hauts faits d’armes dans la dernière insurrection et leur a montré les blessures qu’il avait reçues dans les combats ; celles-ci étaient indiquées sur son corps par des taches bleues, d’où partaient de longues traînées rouges destinées à imiter le sang qui coule. Les Indiens ont successivement dansé l’Omaha Dance, le Corn Dance et le War Dance en chantant et en poussant des espèces de vivats en l’honneur du colonel Cody. »
« Pour terminer cette démonstration, sept femmes des Peaux-Rouges de la tribu pacifique des « Ogalala », qui, pendant la danse étaient restées accroupies à l’écart sur le sol se sont levées et, dans un chant étrange, ont engagé les prisonniers à se départir de leurs sentiments guerriers puisqu’ils étaient au milieu d’amis ; elles ont remercié ensuite Buffalo Bill de les avoir amenées en Europe, où elles ont déjà vu des choses qu’elles n’espéraient jamais voir. »
« Le colonel Cody a été fort touché de ce témoignage des Indiens, qui sont rentrés sous leurs tentes, où brûlent des feux de bois nuit et jour.» (2) Les Indiens ne paraissaient d’ailleurs pas aussi féroces dans leur vie quotidienne que dans leurs exercices et le Journal faisait remarquer à leur sujet, avec un étonnement amusé, que, de même que n’importe quels visiteurs de Strasbourg « les Peaux-Rouges, sous la conduite du
» (représentant de l’armée américaine dans la troupe) « iraient visiter l’horloge de la cathédrale ». (3)
Le même 18 avril, en guise d’avant-propos, eut lieu une véritable répétition générale, rendue indispensable par le fait que les Peaux-Rouges en particulier, étaient venus directement de leur lieu d’emprisonnement à Anvers puis Strasbourg. Le Journal d’Alsace déclarait à ce propos : « Les Indiens ont merveilleusement exécuté tout le programme, surtout les scènes guerrières et peu s’en est fallu qu’ils n’aient pris les choses complètement au sérieux. Les squaws (femmes) indiennes ont installé les campements comme si elles se trouvaient dans les prairies d’Amérique et deux jeunes Indiens, âgés de seize ans chacun, ont fait de véritables prouesses dans le tir à l’arc. Buffalo Bill, qui ne s’était pas exercé carabine depuis son départ de Strasbourg, n’a rien perdu de son habileté, car sur vingt-cinq boules qu’on lui a jetées il en a brisé vingt-trois en plein galop. et Mr. Daly, les deux merveilleux tireurs qu’on a applaudis l’année dernière, ont rivalisé d’adresse avec un jeune tireur de seize ans, ». (3)
À STRASBOURG,
LES INDIENS
VONT VISITER
LA CATHÉDRALE.
L’admiration des invités de cette séance particulière introduisit au triomphe populaire des séances publiques qui allaient suivre. Et le journal rapportait l’engouement des Strasbourgeois pour le spectacle qui leur était offert, en ces termes : « Les représentations de la troupe du Wild West Buffalo-Bill, qui ont commencé hier, feront certainement époque dans les annales de notre ville. Dès le matin, les différents trains du chemin de fer et du tramway avaient amené à Strasbourg des milliers de curieux venus de tous les points de l’Alsace et bien avant 2 heures, une foule énorme venant par les quais et le pont Royal, se dirigeait vers la place Lenôtre, pendant que des centaines de voitures et des trains du tramway bondés de voyageurs, prenaient la même direction.» (4)
Plus de dix-mille spectateurs avaient pris place sur les sièges et les bancs installés en amphi-théâtre autour de la vaste arène. C’est d’ailleurs avec un véritable enthousiasme que le journaliste décrivait, par la suite, l’ensemble du programme de la représentation, bien fait en effet pour séduire les Strasbourgeois, ravis de voir de leurs yeux ce qu’ils n’avaient connu jusque là que par le récit ou le dessin.
Il appréciait d’emblée l’aspect général de la troupe, décrivant avec minutie la façon dont « Indiens, vaqueros et cowboys avaient fait, par groupe, leur entrée au costume de guerre aux vives couleur ; les autres avaient le corps nu tatoué et bariolé de couleurs, quelques-uns tenaient en main des lances, d’autres des arcs et des flèches ; les chefs se distinguaient par leurs gigantesques coiffures de plumes et les garnitures de plumes qui leur descendent, en forme de crête, jusqu’aux talons. Les cowboys et les vaqueros portaient des pantalons de cuir et des chemises de couleurs ; ils étaient coiffés de «sombreros», chapeaux de feutre gris à larges bords. A la selle était suspendu le lasso qui est, dans leurs mains adroites une arme des plus terribles. L’orchestre, complètement équipé à neuf, est composé de ses instrumentistes, hommes superbes qui jouaient avec une précision et un ensemble remarquable. » (4)
Mais c’était également du légendaire organisateur et directeur de la troupe qu’il parlait avec l’admiration la plus manifeste, déclarant en effet à son sujet : « L’arrivée de Buffalo Bill a été saluée par les applaudissements des spectateurs ; l’ancien éclaireur de l’armée des Etats-Unis est un brillant cavalier ; un grand chapeau de feutre mou recouvrait sa longue chevelure bouclée et fortement grisonnante, qui encadre une figure des plus sympathiques. Le colonel Cody s’est placé devant sa troupe rangée en bataille et a salué les spectateurs. » Il ajoutait par la suite, après les diverses prestations du grand homme : « Buffalo Bill est un brillant tireur : à deux reprises il a fait au galop le tour de l’arène et a abattu à coups de carabine à répétition les boules qu’un cavalier, qui le précédait, lançait en l’air. » (4)
DIX MILLE
PERSONNES
APPLAUDISSENT
L'HABILETÉ
À LA CARABINE
DE MISS ANNIE.
Il n’en oubliait pas pour autant les concurrents tout aussi remarquables de la célèbre Annie, et en particulier un adolescent de seize ans, « le jeune Johny Baker, tirant à la carabine, debout ou couché sur le dos, placé sur la tête, etc... et ne manquant jamais son but ». (4)
Mais plus encore peut être que la fantastique habileté au tir des hommes de l’Ouest, ce fut leur impressionnante agilité à cheval, qui conquit les Strasbourgeois à travers une succession d’exercices hippiques exécutés avec plus de brio les uns que les autres. Aussi n’y a-t-il rien d’étonnant à ce que le journal exprimât également ses sentiments dans les termes louangeurs suivants : « Le public a été littéralement empoigné par la scène du dressage des chevaux sauvages. Ces chevaux, pris au lasso, refusent d’accepter le cavalier. Aussitôt que le cowboy essaye de mettre le pied dans l’étrier, le cheval se cabre et se renverse sur le dos. Mais le cowboy ne se rend pas, et il parvient toujours à se hisser en selle. Quelquefois il enfourche le cheval pendant que celui-ci est couché. Puis c’est une course folle au milieu de l’arène, sous les applaudissements des spectateurs émerveillés ». (4)
Cependant, le public était peut être encore plus séduit par les spectacles qui faisaient appel à son imagination, en offrant à ses regards éblouis des scènes dont la description littéraire seule lui était parvenue jusque là. En particulier, avait été extrêmement goûtée la scène pleine de vie ainsi décrite : « L’attaque d’un convoi d’émigrants a présenté aux spectateurs une de ces scènes si fréquentes encore, il y a un demi-siècle, dans les grandes plaines du Far-West ; le convoi, dans lequel figuraient deux voitures, datant de la guerre de Sécession, est sauvé grâce à l’arrivée de secours qui mettent les Peaux-Rouges en fuite (...) Le crépitement de la fusillade, les cris des Indiens, etc., transportent les spectateurs en imagination dans la prairie du Wild-West. » (4)
L’autre scène qui passionna le public strasbourgeois était celle-là même qui deviendra le fleuron cinématographique de nombre des plus célèbres westerns de l’avenir, faisant palpiter le cœur de générations d’adolescents captivés, à savoir la poursuite et l’attaque de la diligence par les Peaux-Rouges. Pour accroître encore son caractère véridique, le spectacle utilisait « le célèbre véhicule
qui faisait, il y avait une vingtaine d’années encore, le service postal entre Deadwood et Cheyenne et dans lequel un grand nombre de voyageurs, attaqués par les Indiens, avait trouvé la mort ; deux présidents des Etats-Unis et plusieurs souverains avaient déjà voyagé dans cette diligence ». (4)
Le chroniqueur manifestait également le plus grand intérêt pour l’aspect véritablement ethnographique de ces tableaux vivants consacrés à l’Ouest lointain et à ses habitants et plus particulièrement en ce qui concernait le « campement des tribus indiennes ; les danses guerrières des Peaux-Rouges, leurs chants accompagnés des sons monotones des tambourins, leurs jeux, leur adresse à planter des flèches dans une cible pendant que le cheval qu’ils montaient était lancé au galop. » (4)
Enfin, en bon Strasbourgeois qu’il était, et manifestant donc à la fois un esprit de négoce marqué et un certain snobisme, le journaliste insistait sur le fait qu’à l’instar des grandes capitales où la Wild West Compagny avait offert ses spectacles devant des parterres de chefs et de têtes couronnées, les représentations de la place Lenôtre avaient eu pour spectateurs les plus hautes autorités du pays et en particulier le Statthalter prince de Hohenlohe-Schilingsfurst. Mais il déclarait surtout avec la plus vive satisfaction que le succès des représentations successives du Far Wild West ne se démentait pas et qu’il y avait pratiquement en permanence « foule à la place Lenôtre » et ce « malgré les âpretés de la bise » et des intempéries diverses. Ainsi « les deux dernières représentations données par la troupe du « Wild West » de Buffalo Bill avaient encore attiré des milliers de spectateurs » et, à celle de l’après-midi en particulier, « il avait été vendu près de huit mille billets ».
C’était d’ailleurs selon la même vision pragmatique des choses qu’il concluait que « si Buffalo Bill avait fait de bonnes affaires, les établissements publics de la ville n’avaient pas à se plaindre et le Baeckehiesl, la Germania, la Taverne, la Brasserie de la Ville de Paris et l’Estaminet Schneider, n’avaient pas désempli durant ces quelques jours ». (4) D’autre part, il ne manquait pas d’insister sur le fait que c’était l’économie locale dans son ensemble qui avait largement bénéficié de la venue à Strasbourg du colonel Cody et de sa troupe. Il déclarait en effet à ce sujet : « Si la troupe du Wild West a fait de belles recettes en notre ville, elle y a fait par contre aussi de grandes dépenses dont ont profité différents industriels de notre ville, entre autres M. Koch, qui a fourni vingt-six grandes voitures ou camions, M. Schrameck qui a fourni mille chaises (pliants), M. Jansen, qui a fourni les grandes bâches qui recouvrent une partie des estrades et tous les débitants et commerçants dont Indiens et cowboys ont été les clients. Nous ne nous tromperons guère en disant que les sommes dépensées à Strasbourg et à Benfeld par la troupe de Buffalo Bill s’élèvent à près de deux cent mille marks. Ajoutons à cette occasion, que pendant les quatre jours que la troupe du Wild West a occupé la place Lenôtre, le tramway de la Robertsau a transporté 12 720 voyageurs, tandis que la moyenne habituelle pour quatre jours (dans lesquels est compris un dimanche) n’est que de 1 380 voyageurs. » (5)
Aussi était-ce en définitive avec mélancolie et de visibles regrets que le journal mentionnait la fin de cette véritable fête qu’avaient été pour l’ensemble de la population de Strasbourg, le séjour dans notre ville du colonel Cody et de sa Wild West Company et les mémorables représentations qu’ils y avaient données. Il insistait tout particulièrement sur la rapidité même de la véritable disparition de la troupe puisque, immédiatement après le dernière représentation, « une partie de l’estrade avait été démolie et chargée sur des voitures, et à 9 heures du soir on avait procédé au chargement de tout le matériel sur les camions qui l’avaient amené à la gare, où les Indiens et les cowboys s’étaient rendus ». Dans le courant de la nuit, un train spécial devait conduire Buffalo Bill avec ses Peaux-Rouges à Mannheim, « où ceux-ci donneraient le lendemain une première représentation. » (5)
Ainsi partaient pour d’autres triomphes, avant de regagner leurs grands espaces, Buffalo Bill et sa troupe, laissant dans la mémoire de milliers de Strasbourgeois de tous âges et de toutes conditions, le souvenir enchanté des inoubliables visions qui leur avaient été ainsi offertes d’un Far West encore très proche dans le temps et pourtant déjà légendaire.
SOURCES :
1. Journal d’Alsace, 22.4.1891
2. Journal d’Alsace, 18.4.1891
3. Journal d’Alsace, 20.4.1891
4. Journal d’Alsace, 21.4.1891
5. Journal d’Alsace, 23.4.1891
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------------------------ Saisons d'Alsace numéro 115 ------------------------
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Mystères d'Archives - 1910 : Buffalo Bill
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Réalisateurs : Serge Viallet, Alexandre Auque - Auteur : Serge Viallet -
Producteurs : ARTE France.
Buffalo Bill doit sa célébrité à ses talents de chasseur de bison et au rôle d'éclaireur qu'il joua auprès du général Custer, qui mena les dernières guerres indiennes et mourut lors de la bataille de Little Big Horn en 1876. Mais des images filmées dès 1894 et jusqu'en 1916 révèlent un tout autre Buffalo Bill, entretenant des relations amicales avec des chefs de tribus amérindiennes. Elles montrent aussi que Wild West Show, le célèbre spectacle de Buffalo Bill a beaucoup influencé un genre cinématographique apprécié : le western.
Annie Oakley en pleine démonstration Source : The William F. Cody Archive. |
Buffalo Bill's Wild West - 1910 Source : The William F. Cody Archive |
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Rodeo, danses indienne, Cowboys, Cowgirls et dressage de chevaux. | Buffalo Bill Center of the West - Cody, Wyoming |
Pour visualiser d'autres vidéos : The William F. Cody Archive