La tombe de Karl et Klara May se trouve sur le côté nord du cimetière de Radebeul-Ouest, l’un des deux principaux cimetières de la ville.
Le tombeau est matérialisé sur le plan d'accès au cimetière par un carré rouge. C’est un caveau de 5 mètres de haut avec quatre colonnes ioniques construites sur le modèle du temple d’Athéna Nikê (5ème siècle av. J.-C.) situé sur l’Acropole d’Athènes.
Le caveau est classé monument historique depuis 1979. Karl May a eu l’idée du tombeau lors de son voyage en orient entre 1899 et 1900. Dans la deuxième partie de son voyage, il est arrivé à Athènes le 7 juillet 1900 avec sa femme Emma et la famille Plöhn. C’est à cette occasion qu’il a rencontré l’architecte Ernst Ziller avec qui ils ont passé une nuit de pleine lune consacrée à la visite de l’Acropole et ont été fascinés par le Temple Nikê (Nikê est le mot grec pour « victoire »).
D’après le journal de Klara May, c’est ici que l’idée a germé de faire construire à Radebeul un tombeau similaire.
En 1934, Klara May écrit : « Un architecte vivant à Athènes, un enfant de Radebeul, le professeur Ziller nous a conduits à travers les trésors de la Grèce. Il s’empara avec enthousiasme de nos idées et les concrétisa à Radebeul avec son frère, qui lui aussi avait passé une grande partie de sa vie à Athènes. Il y a là maintenant une réplique du temple Nikê de l’Acropole d’Athènes. »
Après le retour du voyage en Orient Richard Plöhn n’avait plus que quelques mois à vivre. Il est décédé, après une longue maladie, le 14 février 1901 à Radebeul et a été enterré trois jours plus tard dans une sépulture le long du mur. Dans les premières semaines après la mort de Richard le couple May a accueilli la veuve chez eux à la « Villa Shatterhand ».
C’est à cette époque que le vœu exprimé sur l’Acropole a été repris et il a été décidé de prendre les mesures nécessaires pour la construction du tombeau commun.
Déjà le 26 février 1901, le conseil de l’église a décidé d’autoriser la création d’une sépulture de 21 mètres carrés près du mur ouest du cimetière de Radebeul pour un prix de 383 marks. Le certificat correspondant a été délivré le 19 mars 1901.
Après avoir obtenu une concession à perpétuité se posait maintenant la question de savoir à qui confier les difficiles travaux pour la construction d’une réplique d’un ancien temple grec. Le contrat a été confié par Klara Plöhn, certainement en accord avec le couple May, à l’architecte Paul Ziller frère d'Ernst Ziller.
Mais pour réaliser son projet, l’architecte a besoin de plus d’espace que l’autorise le règlement du cimetière pour construire, en taille réduite, une réplique du temple Nikê. Il fallait donc en urgence obtenir une dérogation.Une nouvelle demande fut déposée auprès du conseil de l’église qui l’approuva le 16 mai 1901. Dé-lors, les familles May et Plöhn disposaient d’une surface « constructible » de 24,5 m2 (7,0 x 3,5 m). Le modificatif n’est publié que tardivement le 24 février 1902 alors qu’une grande partie du gros œuvre est pratiquement achevée.
L’architecte chargé du projet confia probablement les travaux de construction à la société « Frères Ziller » de sa belle-sœur Marie dont le mari Gustav est mort la même année que Richard Plöhn.
Sur la demande expresse de Karl May, le contrat pour la réalisation du bas-relief sur le fond du caveau fut attribué par Klara au sculpteur Selmar Werner (1864-1953) alors qu’elle souhaitait le confier au déjà célèbre sculpteur Max Klinger (1857-1920).
Sur demande de Klara il a représenté dans le plus beau marbre blanc un ange qui accueille une femme venant d’en bas (l’âme de Karl May) et sur la droite d’autres anges célestes. Toutes les figures sont représentées grandeur nature et en relief. La sculpture évoque que l’âme de Karl May sera reçue au ciel, suivit de son œuvre. Probablement selon la Parole de la Révélation [Apocalypse 14:13] « Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent. »
Selmar Werner avait réussi à reproduire la scène dans une merveilleuse harmonie. Un toit en verre laisse passer la lumière pour éclairer l'ensemble.
Le poème gravé sur le piédestal a été écrit par Karl May lui-même :
Sei uns gegrüßt! Wir, Deine Erdentaten
Erwarteten dich hier am Himmelstor. Du bist die Ernte deiner eignen Saaten Und steigst mit uns nun zu dir selbst empor. |
Nous te saluons! Nous, tes bienfaits sur terre, t'attendons ici, à la porte des cieux. Tu es le fruit de tes propres semences Et maintenant monte avec nous vers toi-même. |
La mise en place du piédestal et de l'immense sculpture en marbre ne s’est pas faite sans soucis. En effet, il a fallu ôter la paroi arrière du mausolée provisoirement érigé en 1902, car les colonnes empêchaient la mise en place par l’avant. Ainsi le lourd bloc de marbre pouvait être amené par convoi exceptionnel par l’extérieur du cimetière.
Dans le milieu du mausolée se trouve une pierre tombale avec une croix. L’ornementation du tympan conçue par Ziller, sans référence particulière au modèle grec, se compose d’une couronne entourée d’un ruban.
En comparant l’original reconstruit à Athènes avec la réplique de Radebeul, il faut avouer que l’architecte a réussi à mettre en forme d’une façon heureuse le projet de Klara. À la fin des travaux en 1903, la dépouille mortuaire de Richard Alexander Plöhn fut transférée dans la crypte.
Lorsque Euchar Albrecht Schmid et Karl May se tenaient en août 1910 à Radebeul devant la tombe ce dernier dit à son ami : « Oui, elle est superbe. Mais elle n’est pas prévue pour moi, car je serais enterré dans mon jardin ! ».
Le 22 mars 1912, sur l’invitation de « l’association des académiciens pour la littérature et la musique » (Akademischer Verband für Literatur und Musik), Karl May fait une lecture devant 2000 personnes de son ouvrage de paix : Empor ins Reich der Edelmenschen. Ce fut sa dernière apparition en public.
Le samedi 30 mars 1912 à 20 heures 30 son cœur avait cessé de battre à la suite d’un arrêt cardiaque et son souhait d’un lieu de repos simple dans le jardin de la villa Shatterhand avait bien été pris en compte par Klara May. Elle a effectué de nombreuses démarches dans ce sens auprès de la commune, mais sans succès. En raison de la réglementation gouvernementale en vigueur à cette époque le souhait de Karl May ne sera pas réalisable. Lors de la communication du décès de son mari à ses amis, Klara May a sollicité la plus grande discrétion jusqu’au moment de l’enterrement. Malgré cette demande à partir du mardi 2 avril, différents journaux locaux, mais aussi régionaux ont laissé un court message sur le décès inattendu de l’écrivain.
Les funérailles se sont déroulées le 3 avril 1912 à 12 heures sous la direction du pasteur Schmidt.
Marie Hannes (1881-1953), une jeune admiratrice de l’écrivain, a établi un compte rendu détaillé avec beaucoup de sensibilité de cette poignante journée.
« C’est un matin de printemps frais — calme, doux, la pluie tombe avec précaution comme si elle avait peur de faire perdre leur lustre à toutes ces magnifiques fleurs qui sont portées dans la maison silencieuse. Combien, combien sont-elles ? Chacune est particulièrement bien accueillie. — Autour du mort se trouve une foule de personnes (. . .) Encore une fois les paroles du religieux font défiler devant nous cette fantastique vie. (. . .) Plus tard, nous sommes debout dans le petit cimetière. Une pluie morne tombe toujours, — tout est froid, gris, sinistre — Seules les couronnes mortuaires blanches rayonnent sur le sol brun – “Cet homme noble et maître de l’imaginaire”, c’est Vienne ! Des roses maréchal Niel ruissellent ensuite sur une croix à hauteur d’homme réalisée avec des azalées blanches — Elle constitue l’entrée de la tombe. Maintenant, le cercueil est descendu de plus en plus profondément. Les mottes de terre tombent cruellement avec fracas sur lui. (. . .) Soudainement, une lumière rayonnante – le soleil arrive — Karl May voulait être enterré à la lumière lumineuse de midi. Maintenant, elle est là et étend ses mains en signe de bénédiction (. . .) Nous nous détournons de la tombe et de la mort et rentrons chez nous – et lorsque la porte du cimetière se referme derrière nous, un abandon infini descend sur nous. »
En mai 1912, Klara a mis en place, avec l'approbation du Conseil des Églises deux bancs en grès à gauche et à droite de l'allée principale. Les bancs sont flanqués des deux côtés par un sphinx mâle, dont le modèle a été créé par Sascha Schneider dans les années 1904 à 1905. Elle fit également planter un bosquet d'arbre derrière le monument, à l'extérieur du cimetière (peut-être le groupe de sapin visible en tableau de fond).
En 1942, pendant les préparatifs de la célébration du 100ème anniversaire de Karl May, le bruit courait que Richard Plöhn était un « demi-Juif ». Sur ces allégations Klara May fit exhumer son premier mari et fin avril ses restes ainsi que ceux de Wilhelmine Beibler, la mère de Klara, furent retirés de la tombe et incinérés à Dresde. Les cendres ont ensuite trouvé leur dernière demeure dans le jardin du souvenir à Tolkewitz. Aucune pierre tombale n'a été mise en place.
Le 22 mai 1998, une plaque commémorative a été placée à leur mémoire dans le tombeau.
ZUR ERINNERUNG AN
RICHARD PLÖN 1853 – 1901 UND WILHELMINE BEIBLER 1837 – 1909 DIE BIS 1942 AUCH IN DIESER GRUFT RUHTEN GEWIDMET VON DER KARL-MAY GESELLSCHAFT |
EN MÉMOIRE DE
RICHARD PLÖN 1853 – 1901 ET WILHELMINE BEIBLER 1837 – 1909 QUI REPOSAIENT DANS CE CAVEAU JUSQU'EN 1942 OFFERT PAR LA SOCIETE KARL-MAY |
Klara May est décédée le 31 décembre 1944 dans la « villa Shatterhand » à l'âge de 80 ans. Les funérailles ont eu lieu le 6 janvier 1945 au cimetière Radebeul où elle a rejoint son deuxième mari pour l'éternité. Elle avait conacrée toute sa vie à l'oeuvre de son mari et on peut lire dans son journal :
Toute ma vie doit être désormais consacré à mon mari infiniment vénéré. Je vais essayer d'être digne de lui. Je vais tout faire pour me mettre à sa hauteur.
Juste avant, le 27 septembre et le16 octobre 1944, elle a rédigé ses dernières volontés. Le 12 décembre 1944, elle a donné tous ses biens personnels à la Fondation Karl May. Sa gouvernante Emma Elsner a reçu par ce testament le droit de résider à vie dans la « villa Shatterhand ». En contrepartie, elle prendra soin du tombeau.
À l'occasion du 150e Anniversaire de Karl May, le tombeau a été totalement rénové. Grâce a des dons privés et la participation de la municipalité de Radebeul à hauteur de 20.000 DM la charpente a été entièrement rénovée, une nouvelle couverture en cuivre installée. Le pignon ornemental et les antéfixes ont été et remplacés par des répliques.
La tombe de Patty Franck et de son épouse Marie Barthel se trouve a proximité de celle de Karl et de Klara May dans le cimetière de Radebeul.
La tombe de Patty Franck se trouve dans le carré "H".