Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Yougoslavie sous l’impulsion de Tito, qui appréciait les films patriotiques et les westerns, s’est lancée dans la production cinématographique et chacune des 6 républiques (Serbie, Croatie, Slovénie, Monténégro, Macédoine, Bosnie-Herzégovine) disposait d'un centre de production pour prendre en compte les particularismes régionaux. Les studios les plus importants se trouvaient alors à Belgrad et à Zagreb. Le premier film produit en 1947 est « Slavica », un film patriotique sur les communistes yougoslaves.
À cette époque le pays manquait cruellement d’auteurs et de producteurs capables de propulser l’industrie du film yougoslave sur la scène internationale.
Pour mettre en avant la production nationale, un festival cinématographique est organisé à Pula (Istrie) depuis 1956. À cette occasion les spectateurs pouvaient découvrir les films réalisés l’année précédente. C’est lors de l’un de ces festivals qu’Horst Wendlandt (° 15/03/1922 - † 30/08/2002) rencontra le chef de la compagnie de production « Jadran-film ». Si le niveau des productions laissait à désirer, la Yougoslavie disposait en revanche d’installation cinématographique moderne et de personnel formé et surtout un coût de production bon marché.
Les producteurs de leur côté (au début surtout les Italiens) ont rapidement découvert l’énorme potentiel de ce pays pour réaliser des films avec de nombreux figurants, dans de magnifiques paysages à des prix défiants toute concurrence par comparaison à la Ciné Cita sans parler Hollywood. C’est ainsi, à défaut de créativité propre, que la Yougoslavie est devenu un « studio de production » pour les autres pays.
Au départ de nombreux « péplums » ont été produits par les Italiens et les Français. Mais plus tard dans les années 60 ce sont les films basés sur les romans de Karl May qui était sur le devant de la scène. Puis dans les années 70 et 80, ce sont les grosses et coûteuses productions américaines qui ont pris le dessus pour réaliser des films de guerre et d’actions.
Mais peu de publicité sur le lieu de tournage de ces films a été faite, car il n’était pas, à cette époque, avouable qu’un film soit tourné dans un pays du bloc de l’Est … guerre froide oblige ... De même les Yougoslaves ne souhaitaient pas faire connaître leurs liens avec un pays du bloc de l’Ouest … surtout avec leur ancien ennemi ...
De plus les producteurs yougoslaves ne voulaient pas risquer de perdre de l’argent en participant à une production, mais uniquement récolter des devises. C’est pour cette raison qu’ils proposaient surtout des paquets appelés « Servis » comprenant tout le nécessaire pour effectuer le tournage : coulisses, studios, costumes, figurants, cascadeurs, chevaux, décorateurs, pyrotechniciens … Même l’hébergement et l’alimentation pouvaient être pris en charge contre des devises. Il y avait bien de la sliwowitz, du jambon et du fromage, mais pour le reste… c'était une autre histoire ...
Jusqu’en 1963 seules 22 vraies coproductions ont été réalisées contre 100 productions sur la base « Servis », car il était possible d’acheter ces services complets sans avoir l’obligation de citer la production yougoslave.
Au début des années 60, l’attrait pour les films basés sur l’antiquité était en baisse et il fallait trouver quelque chose d’innovant pour redonner de l’élan à un système de production maintenant bien rodé.
C’était le bon moment, car Jadran-film (Zagreb), Constantin-film (Munich) et les productions Rialto (Berlin) venaient de signer un accord concernant la production d’un film basé sur « le trésor du lac d’argent » (der Schatz im Silbersee) de Karl May. L'initiateur du film est le producteur Horst Wendlandt. Il persuade Preben Philipsen (de), qui appartient à Rialto Film, et Waldfried Barthel (de), de Constantin Film, des perspectives prometteuses de la production à grande échelle proposée en raison de la popularité contemporaine de romans de Karl May. Ils s'associent avec la société yougoslave Jadran Film qui a déjà produit des péplums, des westerns et d'autres films d'époque et il était alors fort probable que la majorité des scènes serait tourné en Yougoslavie et les scènes d'intérieur dans les studios en Allemagne.
Les guerriers indiens allaient maintenant remplacer les guerriers de l’antiquité. Pour les Yougoslaves Winnetou était Hercule dans un nouveau costume et le tournage pouvait continuer comme avant...
La coopération avec les allemands fonctionnait à merveille pendant 5 ans et aurait pu continuer si Horst Wendlandt n'avait choisi de se consacrer à d'autres projets prometteurs.
Pour les films réalisés par des étrangers les Yougoslaves étaient souvent responsables de l’ensemble du soutien. La répartition au sein de l'équipe dirigeante pouvait se faire de différentes façons. C'est ainsi que pour la série des films de Winnetou les postes étaient répartis par moitié entre les allemands et les yougoslaves. Plus tard dans les années 80 les productions américaines comportaient en majorité du personnel national.
Jadran-film avait fait le bon choix et a récolté grâce à cette série de films de nombreux contrat avec l'étranger. C'était l'âge d'or du cinéma yougoslave et allemand. C'est à cette époque que sont réalisés de nombreux autres films à succès comme « les pirates du Mississippi » (1963), « Heiss weht der Wind » (1965), la case de « l'oncle Tom » (1965) ainsi que le film en deux parties « Nibelungen » de Harald Reinl (1966). A partir des années 70 et 80 le nombre de coproduction avec l 'Allemagne diminue considérablement puis s'arrête totalement.
Jadran-film, initialement Dubrava-film, est la société la plus ancienne. Elle a été fondé en 1946 à Zagreb et répartie sur plusieurs emprises avant d'être totalement regroupée sur un seul site en 1956. Après une période faste la structure s'est écroulée avant la création de l'état indépendant de la Croatie. Le fait que la société soit restée dans le giron de l'état lui a permis de survivre. Une partie des studios est utilisée par la télévision et une privatisation n'est pas exclue. Cette société a produit, à coté de documentaires et de reportages, environ 150 films et a participé comme prestataire de service à plus de 200 coproduction avec l'étranger. Parmi les nombreuses récompenses figurent 4 prix du festival de Venise et 3 nominations aux Oscars
Après les changements politiques survenus en 2000, le cinéma croate pouvait maintenant travailler librement et sans contrainte pour la première fois. Ainsi, au début de cette décennie, le cinéma croate s'épanouit à nouveau pour atteindre son « troisième âge d'or » (après les années 1950 et 1960).